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soit sentie[1] ». Le sensible et l’individuel, en tant qu’impropres à la science, sont donc cette chose qui est perçue ici et maintenant. En d’autres termes, ce qui est impropre à la science est caractérisé par le fait d’être situé en tel lieu et en tel instant. Or pourquoi ce fait est-il rebelle à la science ? À cette question il n’y a qu’une réponse possible : c’est que, par lui-même au moins, le fait d’être en tel lieu et en tel instant est arbitraire et sans raison. Assurément Aristote, dans sa théorie de l’espace et du temps, a été bien loin d’envisager ces deux choses comme des milieux homogènes. Il a écarté la considération de l’intervalle pour voir exclusivement les limites. Par conséquent, il tend à réduire l’espace et le temps, comme plus tard Leibnitz, à des ensembles de relations. Par contre, pourtant, il insiste sur la divisibilité indéfinie de l’étendue et, par suite, du temps. De ce chef il rétablit l’homogénéité, la possibilité, par conséquent, de poser la limite où on veut et sans autre raison. Sa pensée se porte donc sur l’espace et le temps homogènes quand il dit que le fait d’être ici ou là est caractéristique de l’individuel, et il veut dire, en dernière analyse, que l’individuel est impropre à être objet de science, parce qu’il est sans raison. L’individuel et le sensible ne sont pas, à vrai dire, des choses à nulles autres pareilles : ce sont des choses contingentes. — De ces considérations directes et inverses sur l’ensemble de la théorie de la connaissance d’Aristote, nous devons conclure en somme que ce n’est pas par l’universalité, mais bien plutôt par la nécessité qu’il définit la science, que ce n’est pas par l’idée de genre, mais par celle de raison : de sorte que la question d’extension n’a pas ici grand rôle à jouer et que le simple fait d’être seule de son espèce n’empêcherait pas une chose d’être connaissable scientifiquement. Cela nous mène fort loin de la théorie platonicienne de la connaissance, peut-être telle qu’elle est dans sa vérité, en tous les cas telle qu’Aristote la comprend. Et, en revanche, sans que toutes les diffi-

  1. An. post. (à la suite de la phrase citée note précédente) : εἰ γὰρ καὶ ἔστιν ἡ αἴσθησις τοῦ τοιοῦδε καὶ μὴ τοῦδέ τινος, ἀλλ’ αἰσθάνεσθαί γε ἀναγκαῖον τόδε τι καὶ ποὺ καὶ νῦν.