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le plaisir dépend de la fonction motrice. Le plaisir et la douleur sont des signes qui révèlent la présence des appétits : si on voit qu’un animal éprouve des plaisirs et des douleurs, il faut en induire qu’il a des appétits (De an. III, 11, 434 a, 2). Le plaisir n’est pas une fin principale : c’est seulement quelque chose qui s’ajoute à la fin, ἐπιγινόμενόν[1]. On ne peut pas mieux indiquer que la tendance est antérieure au plaisir et son fondement. Nous désirons l’accomplissement de la fonction, et non pas primordialement le plaisir. Le plaisir dépend si bien de l’activité qu’il en suit toutes les espèces et se partage en autant de sortes qu’elle, et vaut uniquement ce qu’elle vaut[2]. Enfin toute la doctrine d’Aristote sur le plaisir a pour sens que c’est l’activité qui est première et que le plaisir ne se comprend que comme le retentissement d’une activité conforme à la nature[3].

La théorie de la fonction motrice de l’âme n’est pas la partie la plus claire de la psychologie d’Aristote. À la prendre dans ses grandes lignes, on peut dire quelle est marquée d’un double caractère, qu’elle est à la fois intellectualiste et toute pénétrée, d’autre part, du sentiment que le désir est en lui-même quelque chose d’irréductible à la raison et qu’on ne peut s’en passer dans l’explication du mouvement de l’animal raisonnable. Le désir est l’organe de l’intellect pratique et, par conséquent, quelque chose comme la matière dont cet intellect est la forme. Mais les deux ordres sont difficiles à réunir par l’idée de subordination hiérarchique de l’un à l’autre. Selon Aristote, c’est la pensée qui, dans l’âme, est fondamentale, et la fonction motrice qui est dérivée. Il dit dans le livre Λ de

  1. Éth. Nic. X, 4, 1174 b, 32 : τελειοῖ δὲ τὴν ἐνέργειαν ἡ ἡδονὴ οὐχ ὡς ἡ ἕξις ἐνυπάρχουσα, ἀλλ’ ὡς ἐπιγινόμενόν τι τέλος οἷον τοῖς ἀκμαίοις ἡ ὥρα… Cf G. Rodier, Éthique à Nicomaque, livre X (Paris, Delagrave, 1897), p. 97, n. 2 (ad 4, 5, 1175 a, 15-19).
  2. ibid. 5 s. in. : ἄνευ τε γὰρ ἐνεργείας οὐ γίνεται ἡδονή, πᾶσάν τε ἐνέργειαν τελειοῖ ἡ ἡδονή… τὰς ἐνεργείας τὰς διαφερούσας τῷ εἴδει ὑπὸ διαφερόντων εἴδει τελειοῦσθαι. Cf. 2 (3), 1173 b, 28 sqq.
  3. Ibid. VII, 13 (12), 1153 a, 14 : … λεκτέον [s. ent. εἶναι τὴν ἡδονήν] « ἐνέργειαν τῆς κατὰ φύσιν ἕξεως », ἀντὶ δὲ τοῦ « αἰσθητὴν ἀνεμπόδιστον ». Cf, Rhét. I, 11 déb.