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VINGTIÈME LEÇON


L’ÂME

L’idée de hiérarchie qui inspire toute la philosophie d’Aristote est particulièrement présente dans sa théorie de l’âme, et en même temps cette idée, dans la théorie de l’âme comme ailleurs, est pourtant tenue en échec d’une façon plus ou moins manifeste par une idée toute différente, que l’idée de hiérarchie avait précisément pour destination de remplacer. Les Physiologues, même en y comprenant les Éléates jusqu’à Mélissus inclusivement[1], et même en y comprenant Anaxagore[2], n’avaient soupçonné que bien faiblement qu’on pouvait trouver de la réalité dans la pensée et comment il fallait définir cette réalité. L’existence et la nature de cette réalité, c’est la philosophie du concept qui les découvre. Elle en découvre du moins la face objective, c’est-à-dire que, si Socrate et Platon ne songent pas à définir la pensée par la conscience comme le fera Descartes, s’ils ne s’avisent pas qu’il n’y a pas de pensée sans sujet, ces deux philosophes aperçoivent lumineusement que les objets de la pensée sont d’une autre essence que les choses dont s’occupent les Physiologues. Les objets de la pensée sont incorporels, ou, selon le langage qu’Aristote emploie pour rendre l’opinion de Platon,

  1. Car le fragm. 16 de Mullach (Vorsokr.² ch. 30, B 9, p. 148, 19) paraît n’être qu’une induction de Simplicius.
  2. Son νοῦς n’est en effet que « la plus subtile et la plus pure des choses », fr. 6 Mullach (Vorsokr.² ch. 46, B 12, p. 318, 13).