Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moteur mécanique doit-il être sans cesse attaché au mû et l’accompagner dans tous les mouvements qu’il lui communique. Tirer, pousser, voiturer, faire tourner le mobile, voilà tous les divers modes de la translation, et tous impliquent le contact ininterrompu du moteur et du mobile entre eux (Phys. VII, 2, 243 a, 15-18 et 244 b, 1 sq.). Cependant il y a dans l’expérience un cas frappant, où le mû continue de se mouvoir après qu’il s’est séparé du moteur : il s’agit des projectiles. Serait-il donc vrai que le mû pût conserver du mouvement indépendamment du moteur et qu’un moteur mécanique pût agir sans partager tous les changements du mû ? Le fait semble être celui-ci : les projectiles se meuvent quelque temps encore et même d’un mouvement qui, dans ses limites du moins, paraît continu, après que le moteur a cessé de les toucher. Comment expliquer le fait ? On dira que le moteur, en mettant le projectile en mouvement, a mis aussi en mouvement autre chose qui touche le projectile, par exemple l’air. Mais, dès que le moteur n’agit plus sur l’air, l’air et le projectile devraient s’arrêter. Il faut dire plutôt que le moteur communique de proche en proche, à l’air par exemple, non pas seulement du mouvement, mais de la force pour mouvoir : c’est ainsi que l’aimant donne à une série de morceaux de fer la puissance d’attirer. La force motrice transmise par le moteur vient résider dans l’air ou dans l’eau et elle y persiste quelque temps. Toutefois cette force s’atténue à mesure qu’on s’éloigne du moteur, et enfin le mouvement du projectile cesse, parce qu’un moment arrive où le dernier des intermédiaires n’a plus que du mouvement sans réserve de force et, en ce sens, n’est plus qu’un mû non-moteur. Il est nécessaire d’admettre cette délégation de la force ; car il est impossible d’expliquer le mouvement d’un projectile par l’ἀντιπερίστασις. Sans doute ; dans un tel mouvement, les parties du milieu déplacé passent bien de l’avant à l’arrière du mû. Seulement il y a là un effet simultané avec le mouvement du projectile, et non une cause de mouvement[1]. Ainsi la continuation du mouvement

  1. Le passage διὸ ἐν ἀέρι… ὥστε καὶ παύεσθαι, 267 a, 15-19, que