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ment de cette vérité quand il a voulu que l’esprit, qui est chez lui le moteur, fût impassible et sans mélange (256 b 13-27)[1].

L’étude de la proposition que tout ce qui est mû l’est par quelque chose nous a conduits à reconnaître que le mouvement ne s’expliquerait pas sans un moteur immobile. Mais le mouvement est éternel. Il faut donc, pour l’expliquer, un moteur immobile éternel. Sans doute il peut y avoir des moteurs immobiles qui ne soient pas éternels. Car ces moteurs, tout en ayant une existence bornée dans le temps, peuvent, puisque ce sont des formes, naître et périr autrement que par génération et corruption, c’est-à-dire sans changement ni mouvement. Il ne s’agit donc pas de réclamer l’éternité pour tous les moteurs immobiles. Mais il est impossible que tous les moteurs immobiles soient sujets à commencer et à finir. Car l’apparition et la disparition perpétuelles de ces moteurs, et aussi la perpétuité de la génération et de la corruption des corps auxquels ils sont liés, doivent recevoir une explication. Or ni l’un quelconque des moteurs immobiles transitoires, ni leur ensemble, qui est successif et discontinu, ne peuvent fournir l’explication requise. Il faut donc au moins un moteur immobile éternel, qui enveloppe cette infinité de moteurs immobiles transitoires. Et même, s’il y a plusieurs mouvements éternels, il faudra autant de moteurs éternels que de mouvements éternels. Il en faudra, de préférence, un nombre fini, ou un seul. Or un seul suffit, qui sera le principe du mouvement des autres. Ce moteur immobile

  1. Ce passage important, qui a ses analogues dans la Métaph. Λ, 7, 1072 a, 24-26 et le De an. III, 10, 433 b, 13-15 (cf. Zeller, p. 359 et n. 3), se trouve placé dans la Physique entre la première et la seconde partie d’un argument destiné à prouver l’existence du moteur se mouvant lui-même, et, d’autre part, la transition par laquelle le passage débute ne peut pas être considérée comme se référant aux mots qui précèdent dans le texte. On semble donc très autorisé à suivre l’exemple de plusieurs commentateurs, et notamment de Thémistius (426, 10 ; 429, 4 Sp.), qui, malgré l’opposition d’Alexandre, transposent ce passage après la fin du ch. 5. Cf. Simplicius, Phys. 4224, 26 Diels (Schol. 433 b, 36).