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a changement avant le changement (251 a, 5-28). Attachons-nous maintenant à considérer le moteur. Tout agent est en somme capable de produire un effet ou son opposé, suivant l’attitude réciproque de l’agent et du patient, et, par conséquent, l’agent n’a vraiment la puissance d’agir, et le patient celle de pâtir, que lorsqu’ils sont en présence et dans le voisinage l’un de l’autre. L’absence de mouvement s’explique donc parce que le patient et l’agent sont éloignés l’un de l’autre. Par suite il faudra, pour faire commencer le mouvement, un mouvement qui les rapproche, et ce mouvement sera antérieur au commencement du mouvement (a, 28-b, 10). — Nous venons de parler d’un commencement du mouvement et d’une durée venant après ce commencement. Mais il n’y a pas d’antérieur et de postérieur sans le temps, et, d’autre part, pas de temps sans le mouvement, puisqu’il n’est que le nombre du mouvement. Si donc le temps est éternel, le mouvement l’est aussi. Or c’est à tort que Platon a contesté l’éternité du temps, que Démocrite tenait au contraire, ajuste titre, pour évidente. En effet il n’y a pas de temps sans l’instant : or l’instant, le présent, est un milieu entre deux intervalles ; au commencement d’un avenir, il est également le terme d’un passé. C’est-à-dire que le temps n’a pas commencé, ni, par conséquent, le mouvement (251 b, 10-28). — Ce qui précède démontre que le mouvement est sans commencement. Il faut dire aussi qu’il est sans fin. En effet, si le mû et le moteur disparaissaient comme tels, il resterait en présence les sujets capables d’être mus et de mouvoir, de sorte que le mouvement devrait recommencer[1]. Pour anéantir ces sujets, il faudrait une cause à cette corruption ; cette cause serait elle-même corruptible, et ainsi à l’infini, de sorte qu’il ne cesserait jamais d’y avoir du mouvement (b, 28-252 a, 3). — Le mouvement est donc éternel. Anaxagore et Empédocle le faisaient commencer sans raison et même, selon le premier de ces philosophes, il n’y avait aucune loi de succession entre le règne du repos et celui du mouvement, ni

  1. La démonstration n’est pas rigoureuse, puisque l’agent et le patient pourraient, par exemple, être éloignés l’un de l’autre.