Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

caelo, I, 4 fin) ou quand il écrit (Polit. I, 5, 1254 b, 27) que la nature veut faire des corps différents à l’homme libre et à l’esclave, assurément ce qu’il entend par nature, c’est une force partout répandue dans le monde, enveloppant tous les individus. Or la nature ainsi entendue est évidemment un pouvoir malaisé à définir. C’est presque une divinité ou une âme du monde, capable de toutes les tâches parce qu’elle n’est spécialement affectée à aucune, parce qu’elle n’est attachée à aucun être en particulier. Cependant, si Aristote admet une âme dans chaque sphère céleste, il est certain qu’il ne saurait admettre une âme du monde qui circulerait de corps en corps, au lieu de résider immuablement en un corps déterminé. Il ne faut donc pas chercher à interpréter dans un sens panthéistique la nature universelle d’Aristote. Il convient d’y voir surtout une métaphore. Toutefois, si c’est peu de chose de plus qu’une métaphore, c’est bien quelque chose de plus. Lorsqu’il s’agit d’un animal ou d’une plante, le principe interne de mouvement, qui d’ailleurs s’appelle exactement âme, et non pas nature, ce principe est individualisé par le corps, ou au moins comme le corps très déterminé où il a son siège. Quand, au contraire, il s’agit de la nature plus proprement dite, du principe de mouvement des corps inorganiques et par exemple des corps simples, on comprend que ce principe devienne quelque chose d’un peu flottant. Car une motte de terre n’a pas une individualité marquée et sa nature est, si l’on peut dire, un morceau de celle de toute la terre[1]. D’un autre côté, le mot nature désigne collectivement plusieurs espèces de principes moteurs. Lorsque, par exemple, Aristote écrit la proposition fameuse : οὐ πᾶσα ψυχὴ φύσις (De part. an. I, 1, 641 b, 9), ses paroles impliquent certainement que certaines âmes sont des moteurs comparables à la nature, objets, comme la nature au sens étroit, des études du physicien. C’est que peut-être bien y a-t-il quelque chose de commun, un genre commun aux divers principes moteurs immanents. Quoi qu’il en soit et

  1. Sur ces incertitudes de la signification du mot φύσις, cf. Bonitz, Ind. 836 a, 18.