Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/288

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme quelque chose de négatif. Mais c’est plutôt l’analyse d’une quantité négative que d’un simple zéro. Il y a donc quelque chose comme un déterminisme propre à la matière, qui se pose à côté du déterminisme venu de la forme. L’imperfection du déterminisme total vient, à ce point de vue, d’un conflit entre les deux déterminismes. Mais la matière a encore une autre façon de rendre le déterminisme imparfait. Elle est, nous l’avons vu, essentiellement ambiguë, toujours partagée entre deux contraires ; car telle est la nature de la puissance, nature avec laquelle la sienne propre se confond. Sans doute Aristote dit que toutes les puissances dépourvues de raison (ἄλογοι δυνάμεις) (Métaph. Θ, 2, 1046 b, 2), ou au moins beaucoup de ces puissances (Hermen. 13, 22 b, 39), ne sont capables que d’un seul effet, à la différence des forces douées de raison qui sont capables de l’un ou de l’autre de deux actes opposés. Mais d’abord on voit que certaines puissances irrationnelles restent ambiguës par elles-mêmes ; et d’ailleurs elles le demeurent toutes, ou presque toutes, indirectement. En effet une puissance naturelle est presque toujours instable et à la merci du changement. Il n’y a donc guère de chose sensible sur laquelle on puisse compter pour produire tel ou tel effet. Des effets attendus ne se produiront pas et d’autres inattendus se produiront. Ainsi, d’une part, en tant que la nécessité devient dans la matière quelque chose de brutal, d’autre part, en tant qu’il y a de l’ambiguïté dans la matière, le déterminisme est rendu imparfait. Ces deux façons dont la matière rend le déterminisme imparfait peuvent-elles se ramener à l’unité ? L’unification semble assez difficile. Quoi qu’il en soit, le déterminisme est imparfait. Nous arrivons à la théorie du hasard, qu’il nous reste à résumer.

Elle est exposée dans les chapitres 4 à 6 du IIe livre de la Physique. Aristote commence par réfuter deux objections contre l’existence du hasard et par établir que le hasard existe. On invoquait d’abord le fait qu’aucun des anciens philosophes n’avait songé à compter cette cause parmi celles qu’il admettait. Aristote répond que ce silence est d’autant moins probant que les philosophes dont il s’agit,