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la matière[1]. Malgré la part considérable qu’Aristote fait au devenir, il obéit encore à la tendance du conceptualisme platonicien, qui était de ramener, comme on dirait dans le langage d’Aug. Comte, le dynamique au statique.

Les deux causes extérieures à l’objet ou au fait produit sont le moteur et la fin. — Il y a dans Aristote, au sujet de la cause motrice, un certain nombre de textes où on le voit approcher assez près de la notion de cause proprement dite ou mécanique, notion déjà dégagée en partie par Démocrite. Dans le traité de la Génération des animaux (V, 8, fin), Aristote parle de choses qui arrivent μὴ ἕνεκά του ἀλλ’ ἐξ ἀνάγκης καὶ διὰ τὴν αἰτίαν τὴν κινητικήν. Au livre Η de la Métaphysique (4, 1044 b, 9-12) il se demande quelles sont les causes en jeu dans la production d’une éclipse de lune. Il n’y a pas là de matière, il y a seulement un patient, la lune. Le phénomène n’a sans doute aucune fin. Pour l’expliquer, il n’y a qu’à chercher quelle est la cause qui fait disparaître la lumière à la surface de la lune. Cette cause, à savoir l’interposition de la terre, est une cause purement motrice (αἴτιον ὡς κινῆσαν). Nous trouvons aussi la cause proprement dite, assez bien mise à part, dans le passage de ses œuvres où Aristote a poussé le plus loin qu’il lui était possible l’analyse de la causalité (Métaph. Ζ, 7, 1032 b, 15-30). Dans une génération, c’est-à-dire dans la production, et même, en l’espèce, dans la production artificielle d’un phénomène, il faut, dit-il, distinguer deux parties : l’une s’appelle la pensée (νόησις), la réflexion sur la nature du phénomène et ses conditions, l’autre est la réalisation (ποίησις) du phénomène, et c’est dans cette seconde partie qu’on voit à l’œuvre l’agent, l’efficient qui fait commencer le mouvement (τὸ ποιοῦν καὶ ὅθεν ἄρχεται ἡ κίνησις). Cette seconde partie serait d’ailleurs la même, si la première n’existait pas et si l’efficient qui fait commencer le mouvement était fourni par le hasard. Soit donc, par exemple, à produire la santé dans un corps affecté d’une certaine maladie. Il faut, dans ce corps, rétablir l’équilibre du froid et du

  1. Voir Zeller, p. 327-330. Métaph. Δ, 1, 1013 a, 19 : τούτων δὲ [sc. τῶν ἀρχῶν] αἱ μὲν ἐνυπάρχουσαί εἰσιν, αἱ δὲ ἐκτός