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la puissance. On sait du reste qu’Aristote ne définit pas à proprement parler la puissance et qu’il se contente de dire qu’exister en acte, c’est exister autrement que ce que nous appelons exister en puissance ; après quoi il donne des exemples : tel, dit-il, un Hermès dans le bloc de bois d’où on le tirera, telle la moitié d’une ligne dans le tout, tel le savant qui spécule dans le savant qui ne spécule pas[1]. Mais il n’en est pas moins vrai que l’assimilation de la matière avec la puissance fait ressortir très clairement ce qu’il y a de relativement positif dans la matière, ce qu’il y a de positif, nous venons de l’indiquer. Que ce positif ne le soit que relativement, c’est ce qui ressort du fait que la puissance est inférieure à l’acte et de cet autre fait voisin, que la puissance est essentiellement ambiguë, capable d’être une certaine détermination et le contraire de celle-ci[2]. — En somme la matière est le sujet indéterminé et potentiel de toutes les déterminations.

Mais, pour nous faire une idée suffisante de la matière, il faut reprendre et commenter les trois caractères que nous avons dégagés, et peut-être même les compléter par un autre. Il est évident que les deux derniers, savoir l’indétermination et la virtualité sont des relatifs ; car il n’y a d’indéterminé que par rapport au déterminé, ni de puissance que par rapport à un acte ; et d’ailleurs il est certain que le devenir d’où ces caractères sont, en fin de compte, dégagés est quelque chose qui ressemble fort à une relation. Le cas du premier caractère est assez différent. La matière est un sujet : s’il faut prendre la formule au pied de la lettre, il va falloir faire d’elle quelque chose d’absolu.

  1. Métaph. Θ, 6, 1048 a, 39 : ἔστι δ’ἡ ἐνέργεια τὸ ὑπάρχειν τὸ πρᾶγμα μὴ οὕτως ὥσπερ λέγομεν δυνάμει· λέγομεν δὲ δυνάμει οἷον ἐν τῷ ξύλῳ Ἑρμῆν καὶ ἐν τῇ ὅλῃ τὴν ἡμίσειαν, ὅτι ἀφαιρεθείη ἄν, καὶ ἐπιστήμονα καὶ τὸν μὴ θεωροῦντα, ἐὰν δυνατὸς ᾖ θεωρῆσαι· τὸ δὲ ἐνεργείᾳ. Cf. Bonitz, Metaph., ad loc. (II, 392-394).
  2. Sur l’identité de la matière avec la puissance, voir Métaph. Η, 1, 1042 a, 27 : ὕλην δὲ λέγω ἣ μὴ τόδε τι οὖσα ἐνεργείᾳ δυνάμει ἐστὶ τόδε τι (cf. Zeller, p. 348, n. 4) ; sur l’ambiguïté de la puissance, ibid. Θ, 8, 1050 b, 8 : πᾶσα δύναμις ἅμα τῆς ἀντιφάσεώς ἐστιν, et la suite (cf. Zeller, p. 337, n. 3).