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pour une espèce de modalité le caractère que prend la proposition simple, en tant que cette proposition est opposée aux autres modales. Les deux modes reconnus par Aristote sont le nécessaire et le contingent. — La notion du nécessaire semble à Aristote, à tort ou à raison, si claire par elle-même que, dans les Premiers analytiques, il ne la définit pas. Il dit ailleurs que le nécessaire est ce qui ne peut pas être autrement, τὸ μὴ ἐνδεχόμενον ἄλλως ἔχειν, et que le premier type en est la nature simple, qui en effet n’a et ne saurait avoir qu’une seule manière d’être (Métaph. Δ, 5 ; cf. Bonitz, Ind. 42 a, 50). — La définition du contingent est plus délicate. Il y revient à plusieurs fois dans les Premiers analytiques (notamment I, 3, 25 a, 37 et 13, 32 a, 18). Le mot que nous traduisons par contingent est τὸ ἐνδεχόμενον. Entre ce mot et celui de δυνατόν, il semble malaisé de faire une différence[1]. Au sens propre, nous disent les Premiers analytiques (I, 13, 32 a, 18) le contingent (ἐνδεχόμενον) est ce qui n’est pas nécessaire, et qui peut être supposé exister sans qu’il y ait à cela d’im-

  1. Waitz, I, 375-377 (ad 25 a, 37), que nous sommes un peu surpris de voir approuvé par Bonitz (Metaph., ad Θ, 3, 1047 a, 20), croit, il est vrai, apercevoir entre l’un et l’autre une différence capitale : l’ἐνδεχόμενον serait ce qui est logiquement possible, ce que nous pouvons concevoir sans contradiction, tandis que le δυνατόν serait ce qui est ontologiquement possible, ce qui peut être sans qu’il y ait incohérence dans les choses. Waitz va même jusqu’à identifier l’ἐνδεχόμενον d’Aristote avec le problématique de Kant. Mais ce rapprochement, à lui seul, est un sûr indice d’erreur. Et d’ailleurs comment Waitz ferait-il pour donner un sens subjectif, ou du moins mental, au mot ἐνδέχεσθαι dans un passage tel que celui-ci, du ch. 13, livre I, des Pr. anal. ? Il y a, y dit Aristote, deux sortes d’ἐνδέχεσθαι, celui qui concerne les choses de la nature, les choses qui arrivent le plus souvent sans être nécessaires, comme lorsqu’on dit : ἐνδέχεσθαι τὸ πολιοῦσθαι ἄνθρωπον (32 b, 16), et celui qui concerne les faits de fortune et de hasard, comme lorsqu’on dit : ἐνδέχεσθαι τὸ βαδίζειν ζῷον ἢ βαδίζοντος γενέσθαι σεισμόν (32 b, 11). De même encore pour le passage célèbre de l’Hermêneia, où il est dit des événements, en les opposant précisément à nos discours et à nos pensées, ὁπότερ’ ἔτυχε καὶ τὰ ἐναντία ἐνδέχεσθαι (9, 19 a, 32 : … ἐπεὶ ὁμοίως οἱ λόγοι ἀληθεῖς ὥσπερ τὰ πράγματα, δῆλον ὅτι ὅσα οὕτως ἔχει ὥστε ὁπότερ’ κτλ.) ? Il n’y a donc pas de différence à faire, au moins sous cet aspect, entre ἐνδεχόμενον et δυνατόν.