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est convaincu de la validité du syllogisme, et il la défendrait par bonnes raisons ; mais ce serait peut-être en revenant au point de vue de la compréhension, et ce double jeu, qui est au fond de sa pensée, enlève à celle-ci beaucoup de fermeté. — Une autre conséquence du point de vue de l’extension est peut-être plus grave encore que la précédente. Si le syllogisme est une subsomption médiate, il s’ensuit qu’il n’est à sa place que dans le domaine des genres et des espèces. En effet qu’est-ce que le moyen-terme ou la raison, à ce point de vue ? C’est une classe qui est subsumée sous une autre et à laquelle on en subsume une dernière. Ce qui explique, c’est donc l’universel en tant qu’universel ; le mineur reçoit le majeur comme attribut, parce que le mineur est une espèce du moyen, qui était déjà une espèce du majeur. Voilà le syllogisme purement extensif, et il est immédiatement évident qu’il ne peut s’appliquer qu’à des termes qui se subordonnent l’un à l’autre en extension. Mais, quand même on en reviendrait à interpréter la majeure en compréhension, lui donnant ainsi le sens d’une loi : tous les hommes meurent, et non plus d’une classification : tous les hommes sont un groupe dans la classe des mortels, si pourtant la mineure reste encore interprétée en extension (et il le faut bien pour ne pas sortir tout à fait de la logique extensive), le champ d’application du syllogisme demeurera aussi restreint. En effet la mineure subsumera le mineur sous le moyen ; c’est-à-dire que le moyen sera une classe, et le mineur, une subdivision ou un individu de cette classe. Nous retombons toujours sur l’idée que c’est l’universel qui explique et que ce qui est expliqué, c’est le particulier : toujours une subordination d’espèce à genre[1]. Au fond

  1. Aristote semble bien convenir de cette conséquence : cf. Métaph. Μ, 10, 1086 b, 34 : οὐ γὰρ γίγνεται συλλογισμὸς ὅτι τόδε τὸ τρίγωνον δύο ὀρθαῖς, εἰ μὴ πᾶν τρίγωνον δύο ὀρθαί, οὐδ’ ὅτι ὁδὶ ὁ ἄνθρωπος ζῷον, εἰ μὴ πᾶς ἄνθρωπος ζῷον. An. post. I, 31, 87 b, 38 : ἡ δ’ ἐπιστήμη τῷ τὸ καθόλου γνωρίζειν ἐστίν. Le passage de la Métaphysique que nous venons de citer est d’autant plus significatif qu’il fait partie d’un développement dont l’objet est d’établir que, si les Idées platoniciennes sont des choses singulières et non des universaux, il ne peut pas y en avoir de connaissance scientifique.