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demande d’une chose quelle elle est, c’est sa nature ou son essence que l’on vise. Or, d’après ce que nous avons vu, l’affirmation ou la négation est bien, dans la doctrine d’Aristote, et sans doute en vérité, l’essence de la proposition. Ajoutons, pour insister sur cette idée, qu’il y aurait encore des propositions quand il n’y aurait pas de quantité logique, mais qu’il n’y en aurait plus s’il n’y avait plus d’affirmation et de négation. Ainsi c’est bien du point de vue de la qualité qu’il faut d’abord envisager la proposition. Aristote, à ce point de vue, admet deux sortes de propositions (Hermen. et Anal. pr., ll. citt.) : les affirmatives et les négatives, et il n’en admet que deux sortes. Il connaît bien les propositions formées à l’aide de ce qu’il appelle les noms indéfinis (ἀόριστον ὄνομα, cf. p. 140), comme οὐκ ἄνθρωπος (Herm. 2, 16 a, 30) : par exemple, ἔστιν οὐκ ἄνθρωπος et οὐκ ἔστιν οὐκ ἄνθρωπος (ib. 10, 19 b, 10 et 16). Mais il n’a pas eu l’idée de constituer avec ces noms indéfinis, pris comme sujets ou attributs, des jugements indéfinis, comme l’ont fait plus tard certains logiciens ; ainsi « l’âme est non mortelle », pour rappeler l’exemple de Kant. Les jugements indéfinis sont un contre-sens, puisqu’ils méconnaissent le rôle essentiel de la copule dans le jugement, en faisant porter la négation sur un terme et non sur la copule. En refusant d’admettre ce contre-sens, Aristote a montré qu’il avait, en fin de compte, mieux senti le rôle de la copule que ses explications ne permettaient de l’espérer.

Au point de vue de la quantité, désignation qui lui est aussi étrangère que la précédente, Aristote distingue quatre sortes de propositions, les universelles (αἱ προτάσεις καθόλου), les particulières (αἱ ἐν μέρει), les indéterminées (αἱ ἀδιόριστοι) (Pr. anal. I, 2 déb.) et les singulières[1]. Les indéterminées sont des propositions dont le sujet ne porte aucun signe, de quantité, ni πᾶς, ni οὐ πᾶς : par exemple « la science des contraires est une », ou « le plaisir n’est pas un bien » (Pr. anal.

  1. Celles-ci, bien qu’employées dans les Analytiques, ne figurent dans une classification des propositions que dans l’Hermêneia, et encore assez indirectement : ce sont celles qui ont pour sujet des individus ; voir Hermen. 7, déb. à 17 b, 3.