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comme un sujet vague, capable en principe de recevoir, ou au moins de demander, tous les attributs positifs, toutes les perfections, la plante n’exclut pas moins d’elle la vue, que l’être tout parfait, univers ou Dieu, exclut le néant. La plante comme plante, telle qu’Aristote la définit (ce qui possède une âme végétative et jamais une âme sensitive), ne peut rien avoir de commun avec la vue. Il est donc juste de dire que l’opposition de l’habitude et de la privation ne se distingue pas ici de la contradiction. Assurément on pourra remarquer après cela que la plante comme plante n’est qu’une abstraction, parce que la plante n’est pas un être complet et fait partie d’un ensemble. Mais personne ne voudrait soutenir, et Aristote soutiendrait moins que personne, qu’on n’a pas le droit de considérer, sous les réserves voulues, une abstraction comme un être complet et d’admettre que, en un sens, tout ce qui est en dehors de cette abstraction est, quant à elle, négation pure ou néant.

Il n’importe pas d’ailleurs extrêmement que la privation au premier sens se distingue mal de la négation ; car la vraie privation est la privation au troisième sens. Celle-là se distingue de la négation. Mais par malheur, quand la privation est prise au troisième sens, c’est de l’opposition de contrariété que l’opposition de l’habitude et de la privation ne se distingue plus. Remarquons d’abord que, lorsqu’Aristote veut distinguer la contrariété de la privation, son argument le plus clair est un argument extérieur ; il recourt à une considération physique : il dit que les contraires sont cette espèce d’habitude et de privation qui constituent les extrêmes du mouvement (Métaph. Ι, 4, 1055 b, 11-15). Nous retrouverons d’ailleurs ce point tout à l’heure sous un aspect plus particulier. En second lieu, il y a de l’inconséquence dans l’une des allégations qu’Aristote apporte pour distinguer la privation de la contrariété. Il allègue, comme on a vu (p. 139), qu’une contrariété, c’est une opposition de privation et d’habitude qui admettrait des termes moyens, car quelquefois les contraires admettent entre eux des termes moyens ; et il ajoute qu’il y a place pour des termes moyens quand le sujet de l’habitude et de la privation n’est pas défini (Ibid. b, 3 sq. et 20-26).