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quelque chose d’isolé. À ses vues pénétrantes sur chacune des oppositions il a joint une vue d’ensemble, qui est complexe en même temps qu’elle est ample, puisque la liste des oppositions n’est pas seulement une collection, mais un système.

Il nous reste à reconnaître les défauts et à faire ressortir les mérites et la portée de cette théorie considérable. La partie la plus faible qu’elle présente est assurément celle qui concerne l’opposition de l’habitude avec la privation. Cette sorte d’opposition ne se distingue pas sans peine de la contradiction, ni surtout de la contrariété.

Occupons-nous d’abord du premier point. Sans doute on ne saurait, en principe, maintenir trop énergiquement le privilège qu’Aristote a si justement attribué à l’opposition contradictoire, de partager le vrai et le faux. Sans doute encore il est exact que, si le sujet n’existe pas, les deux opposés « Socrate voit », « Socrate est aveugle » sont faux tous les deux, ou plutôt peut-être ne sont ni vrais ni faux. Mais le privilège de l’opposition contradictoire s’étend-il assez loin pour qu’on puisse dire que, des deux contradictoires « Socrate est malade » et « Socrate n’est pas malade », la seconde est vraie et la première fausse, quand le sujet n’existe pas ? Il n’y a guère de raison pour faire ici un sort différent à l’opposition des contradictoires et à celle de l’habitude avec la privation. Dans l’espèce, aucune des deux propositions contradictoires n’est ni vraie ni fausse, et par conséquent il n’y a pas lieu de chercher ici à distinguer entre les deux sortes d’opposition. — Toutefois ce défaut serait véniel. En voici un autre qui paraît plus grave. On a fait remarquer[1] que la privation au premier sens (la privation de la vue pour la plante) ne se distingue pas de la négation et que, par conséquent, toute différence entre l’opposition de l’habitude avec la privation, et l’opposition contradictoire tombe. Sans doute Aristote entend que, même dans ce, cas, le sujet entre en ligne de compte, que la contradiction est ici συνειλημμένη τῷ δεκτικῷ. Cependant, en tant que la plante est prise comme plante et non

  1. Zeller, p. 216, n. 7, vers le commencement.