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relatifs, elle peut être brièvement exposée. On dit « le double de la moitié », on ne dit pas « la cécité de la vue », et, quand même cette expression serait de mise, il est sûr que sa réciproque « la vue de la cécité » serait toujours inacceptable, tandis qu’on dit également bien « le double de la moitié », « la moitié du double » (Cat. 10, 12 b, 16-25).

La différence entre l’opposition de l’habitude et de la privation et l’opposition contradictoire est déjà un peu plus compliquée. En premier lieu, il faut dire que l’opposition de l’habitude avec la privation, même quand il s’agit d’une privation du premier type (la plante privée de la vue), se distingue de la contradiction en ce qu’elle est une contradiction déterminée, une contradiction dans laquelle on ne considère pas seulement un prédicat et sa négation, mais où le prédicat et sa négation sont pris en tant qu’ils se rapportent à un certain sujet. Tandis que l’opposition contradictoire : « est assis », « n’est pas assis » peut exprimer un simple fait, l’affirmation ou la négation d’un prédicat accidentel, l’opposition de la vue avec la cécité tourne autour d’un sujet (στέρησις δὲ καὶ ἕξις λέγεται μὲν περὶ ταὐτόν τι κτλ. Cat. 10, 12 a, 26-29) dont on considère les exigences, même impossibles. Cette opposition est une contradiction qui ne se sépare pas de la nature du sujet (συνειλημμένη τῷ δεκτικῷ). Lorsqu’on dit que la plante est privée de la vue, on n’exprime pas sans doute l’absence d’un attribut que la plante devrait posséder, mais (telle semble être du moins la pensée d’Aristote) on n’exprime pas non plus la simple absence de la vue dans la plante, on exprime que cette absence est une limitation, une impuissance de sa nature ; et une imperfection, voulue par la nature d’un sujet, reste cependant une imperfection. Lorsque la privation est prise dans son sens propre, il est bien plus évident encore que ce qui s’oppose à l’habitude, ce n’est pas une simple négation, mais une négation qui contrarie les exigences du sujet[1].

  1. Métaph. I, 4, 1055 b, 3 : ἡ δὲ στέρησις ἀντίφασίς τίς ἐστιν· ἢ γὰρ τὸ ἀδύνατον ὅλως ἔχειν, ἢ ὃ ἂν πεφυκὸς ἔχειν μὴ ἔχῃ, ἐστέρηται ἢ ὅλως ἢ πὼς ἀφορισθέν· πολλαχῶς γὰρ ἤδη τοῦτο λέγομεν, ὥσπερ διῄρηται ἡμῖν ἐν ἄλλοις [allusion, soit à la διαίρεσις ou ἐκλογὴ τῶν ἐναντίων, à laquelle Aristote renvoie 3, 1054 a, 30 ou Γ, 2, 1004 a, 2, soit à Δ, 22 ; cette