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municables. Ces genres sont déjà très généraux sans doute, et ainsi le savoir, qui porte toujours sur des universaux, pourra s’élever très haut. Mais il n’y aura pas d’universel suprême et unique d’où l’on puisse faire découler tout le reste. Il y aura des genres coordonnés entre eux, sans passage de l’un à l’autre[1].

Cette irréductibilité des catégories assure la réalité qu’elles possèdent comme genres, puisqu’il n’est plus à craindre qu’elles soient, comme le genre suprême unique de Platon, vidées de tout contenu par une abstraction sans limites. Cependant, en tant qu’elles sont, malgré tout très générales, les catégories d’Aristote peuvent être appelées formelles, dans un sens qui approche de celui où l’on parle d’une logique formelle. Elles peuvent aussi être qualifiées de déterminations logiques. Et en effet le logique pour Aristote, c’est ce qui est très général : c’est en ce sens qu’il oppose une recherche logique, ζητεῖν λογικῶς, à des considérations spéciales, λόγοι οἰκεῖοι (Bonitz, Ind. 432 b, 5). Aussi est-ce avec raison que le traité des Catégories figure parmi les ouvrages de logique, et Zeller a commis un contre-sens en voulant renvoyer la théorie des catégories à la métaphysique. Il est bien entendu qu’il n’y a rien de purement formel et de purement logique dans Aristote ; mais les catégories sont justement ce qu’il y a de plus formel et de plus logique, ce qui en thèse générale est le plus éloigné de l’individu. Or c’est sur un individu que roule la métaphysique.

De la nature des catégories découlent plusieurs conséquences, qui permettent de lever certaines objections ou d’éclaircir la pensée d’Aristote. — Puisque les catégories sont des genres, c’est-à-dire quelque chose qui a un contenu réel, Aristote a dû en exclure, ainsi qu’il l’a fait, l’Un et l’Être qui n’ont aucun contenu parce qu’ils conviennent à tout[2]. Ce sont ces termes qui s’élèvent au-dessus des caté-

  1. Métaph. Δ, 28 fin : οὐδὲ γὰρ ταῦτα ἀναλύεται οὔτ’ εἰς ἄλληλα οὔτ’ εἰς ἕν τι. Cf. Κ, 9, 1065 b, 8 et Phys. III, 1, 200 b, 34.
  2. Voir p. ex. Métaph. Β, 3, 998 b, 21 : ταῦτα γὰρ (l’Un et l’Être) κατὰ πάντων μάλιστα λέγεται τῶν ὄντων, οὐχ οἷόν τε δὲ τῶν ὄντων οὔτε τὸ ἓν οὔτε τὸ ὄν εἶναι γένος. Cf. Zeller, p. 260, n. 2.