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sujet, bien que noyé sur une vaste surface, en occupe le centre et frappe le regard dès l’abord. L’escalier monumental du Temple est vu de profil. La Vierge tout enfant a monté les premiers degrés ; relevant d’une main sa robe bleu tendre, elle lève les yeux vers le grand prêtre qui, stupéfait, s’avance à sa rencontre sur le parvis. Au bas des marches, un groupe nombreux s’est déjà rassemblé et les commentaires vont leur train ; Joachim et sainte Anne parlent avec animation ; on se presse, on écoute, on regarde curieusement. Il y a des gens de tout âge et de toute condition, depuis le grave sénateur au riche manteau jusqu’à la femme du peuple qui porte son enfant dans ses bras : c’est la pittoresque confusion d’une foule curieuse et bigarrée ; beaucoup de ces personnages sont des portraits et les Vénitiens durent reconnaître aussi la vieille marchande d’œufs assise au bas de l’escalier, toute hâlée sous sa capuche blanche, figure populaire au profil de Parque. Au fond, une magnifique perspective de palais de marbre ou de briques fuit dans l’air lumineux vers la campagne ouverte, sous un ciel jaspé de blancheurs ; à gauche, dans l’ombre perlée, une pyramide aiguë se dessine, et la dentelle d’une montagne bleuâtre se découpe à l’horizon. En cette image synthétique, Titien a résumé la splendeur de Venise, et le charme des spectacles vus et revus mille fois avec amour.

Titien perdit en 1540 son excellent protecteur Federico Gonzaga ; les commandes n’affluèrent pas moins à son atelier. En 1541, d’Avalos, nommé lieutenant général des