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liation de voir son rival et son ennemi déclaré, Pordenone, mis de moitié dans son office et sur le même pied que lui. Titien comprit que tout nouveau retard était impossible, et, toutes affaires cessantes, il se mit à l’ouvrage. En l’espace d’un an, la Bataille de Cadore était achevée, et le peintre fêtait un de ses plus beaux triomphes. La peinture primitive que devait recouvrir la sienne représentait la bataille de Spoleto : une victoire des troupes impériales sur les armes du Pape. Effet d’habitude ou prudence diplomatique, on continua de donner ce titre à l’œuvre de Titien, dont le sujet pourtant est tout autre. Le peintre, voulant rendre hommage à sa ville natale et peut-être aussi perpétuer des souvenirs glorieux pour sa famille, a représenté, sans contestation possible, cette bataille de Cadore où les Vénitiens, guidés par les bourgeois de la ville, et commandés par Alviano, avaient surpris et taillé en pièces les reîtres et les lansquenets de Maximilien. Cette œuvre très admirée des contemporains a péri avec tant d’autres chefs-d’œuvre dans l’incendie de 1577. Une esquisse peinte au musée des Offices, une gravure du temps, c’est tout ce qui nous reste d’elle. Elles suffisent pour nous en donner une très haute idée. L’étude peinte, qui est plutôt une copie partielle qu’une préparation de Titien, n’est pas complète ; toute la partie droite manque. Elle nous fait pressentir dans quelle riche et profonde harmonie passait comme une fanfare guerrière le galop des chevaux blancs, le sombre éclat des armures, le frisson des bannières flottantes, et quel