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pour son successeur Ercole ce portrait dont Covos s’était fait payer sa protection. Au moment où il perdait ce Mécène impérieux, Titien en trouvait un autre. La sœur du duc de Mantoue, Eleonora Gonzaga, était mariée au duc d’Urbin, François-Marie de la Rovère. Ce prince, élevé à la cour de France, avait gardé des sympathies françaises, tout en restant au service de Charles-Quint. Il commanda à Titien le portrait de François Ier. Le Louvre en possède une réplique qui fut alors envoyée au roi de France. Ce portrait fut donc exécuté d’après une monnaie ou d’après une médaille, car Titien n’alla jamais en France ; et nul ne s’en douterait, à voir cette effigie si vivante et si parlante. François de la Rovère commandant les troupes vénitiennes dans l’expédition que Charles-Quint préparait contre les Turcs, de concert avec le Pape et Venise, posa devant Titien en son harnais de guerre, tête nue, le bâton de commandement appuyé sur la hanche. La violence emportée de ce personnage qui fut un homme de coup de tête et de coup de main, respire dans ses traits énergiques et durs, dans son teint brûlé et desséché, dans ses yeux impérieux, dans sa pose hautaine. Avec le portrait de ce dur seigneur, celui de sa femme, la douce et fine Eleonora fait un contraste presque tragique. Elle est distinguée et délicate plutôt que belle ; son visage qui a passé fleur est pâle et spiritualisé. En robe violet sombre, que relèvent des agréments clairs et le reflet de ses joyaux, elle est assise, réfléchie, tranquille, posant sur ses genoux