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est étendu sur l’herbe non loin de là. Cela est dense et fluide, étouffé et sonore, tout imprégné de joie et de langueur, et d’une extrême élégance dans le plus mol abandon.

Le « Bacchus et Ariane » de Londres n’est pas une œuvre moins savoureuse. Ici, Titien suit de près l’admirable poème où Catulle a dit Ariane abandonnée sur la grève déserte de Naxos, son désespoir, sa plainte emportée sur les flots que le traître Thésée fend de ses rames et l’arrivée triomphale de Bacchus consolateur escorté des bacchantes et des satyres de Nysa. Sur la grève qui dessine au bord de la mer bleue sa courbe longue, Ariane demi-nue, les cheveux épars, s’arrête éperdue en voyant Dionysos qui bondit de son char traîné par des panthères et semble voler vers elle, son manteau de pourpre déployé dans l’air. Avec lui s’élance hors de l’ombre des grands arbres, le cortège bondissant ; un petit faune mutin rit et danse aux abois d’un chien ; une bacchante va, dressée sur la pointe des pieds, rythmant son allure élastique au tintement des cymbales, un faune cornu porte des serpents noirs enroulés sur sa peau brune, un autre brandissant la cuisse d’un taureau dépecé dans l’orgie, poursuit une ménade rieuse qui fuit et l’agace du son d’un tambourin ; Silène vacillant sur son âne apparaît sur l’épaisseur des taillis où se perd le reste du cortège. Là-dessus rayonne la calme splendeur d’un jour d’été et le parfum de la mer Ionienne.

Peu d’artistes ont senti, et traduit la beauté de la femme