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l’une profane et l’autre chrétienne, le Noli me tangere, de la National Gallery ; les Trois Âges de la Vie, de la collection Ellesmere, datent de cette époque. Toutes deux s’encadrent en de merveilleux paysages. La clarté vaporeuse d’un ciel matinal baigne dans un vallon solitaire l’apparition lumineuse et pâle du Christ. Nu dans les plis flottants de son linceul, un hoyau à la main, il écarte doucement la pécheresse agenouillée qui vient de reconnaître son dieu, et, timide, extasiée, lève la main vers lui pour s’assurer de sa présence. La nature joue aussi un rôle capital dans les Trois Âges de la Vie. Sous un ciel tendu de nuages et traversé de lueurs, une prairie parsemée de bouquets d’arbres, descend mollement ; à gauche, un Daphnis brun et la blonde Chloé, à droite, deux enfants dormant sur l’herbe aux bras l’un de l’autre ; un petit amour mutin les enjambe et se hâte vers le couple innocent ; au bas de la pente herbeuse, un vieillard assis, tête chenue et tristement penchée vers la terre, contemple des crânes blanchis ; plus loin, un berger garde son troupeau, et dans l’orageuse et molle atmosphère, les ivresses pressenties se mêlent aux mélancolies du passé.

En 1516, Titien avait reçu la commande d’un grand tableau d’autel pour l’église des Frari. Il y travailla deux ans. Cette puissante composition peut être considérée comme son chef-d’œuvre classique. Elle n’est cependant ni la plus piquante, ni la plus belle. Mais pour la première fois, il y établit magistralement sa méthode ; il ajoute à ses dons naturels la force de la réflexion et le parfait