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brillantes et voulut le décider à se fixer à Rome. Titien refusa de quitter Venise. Mais il entendait bien aussi être payé de son dévouement. Prenant texte des propositions du pape et du refus qu’il y avait opposé, il adressa une requête au Grand Conseil pour demander le paiement de deux aides et de ses frais, et la promesse qu’on lui réserverait la première place vacante de courtier d’État (sensere) au Fondaco dei Tedeschi, sinécure lucrative à laquelle avait droit le peintre officiel de la Seigneurie. Travaillant, disait-il, pour l’honneur plus que pour le gain, il serait heureux de prendre part à la décoration de la salle du Grand Conseil, et d’y peindre un tableau de bataille que nul encore n’avait osé traiter. L’espace nous manquerait pour suivre les fortunes diverses de cette requête, bien accueillie d’abord, puis repoussée, sans doute à l’instigation de Bellini. Qu’il nous suffise de dire qu’à la mort du vieux maître, Titien fut installé dans la fonction désirée. Il se mit d’abord à l’œuvre avec ardeur et dut restaurer quelques toiles dans la salle du Grand Conseil ; mais ce zèle ne dura guère, et c’est seulement vingt ans plus tard, après des avertissements réitérés et des menaces de reprises, qu’il acheva cette fameuse Bataille de Cadore, si malheureusement détruite avec d’autres chefs-d’œuvre dans l’incendie de 1577.

Dès maintenant les grands travaux et les œuvres de haut vol se succèdent rapidement. L’Assomption de Venise est de 1515. Mais la veine doucement émouvante et poétique n’est pas tarie pour cela. Deux élégies charmantes,