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souvenir de son inspiration puissante et grave dans une œuvre admirable et vraiment unique en son genre, le Christ au denier. Il semble, en effet, que le profond esprit de Dürer ait présidé à sa conception. La concentration de l’effet, l’intensité du caractère, l’éloquence contrastée de l’expression morale, la finesse de l’analyse jointe à la puissance de la synthèse nous montrent comme la fusion de deux grands esprits. Le visage du Christ, vu de face, rayonne de beauté spiritualisée. Sa physionomie noble et fine, le geste simple et franc de la main qui montre l’effigie de César, s’opposent avec une netteté saisissante à la couleur terreuse, à la mine retorse, à l’allure insidieuse du pharisien. On ne pouvait mieux rendre le sens moral de la scène par l’antithèse de deux natures. Et dans cette admirable concision, le détail n’est pas sacrifié. Sous la belle coulée de lumière, le visage est modelé avec la plus souple vérité. Sans abandonner la voie large qui était la sienne, Titien a victorieusement lutté avec le peintre graveur ; il l’a égalé par la puissance de la caractéristique et par l’élévation morale.

Titien fut appelé à Padoue, en 1511, par la confrérie de Saint-Antoine de Padoue. Chargé de décorer la Scuola del Carmine et la Scuola del Santo, il prit pour aide le peintre padouan Campagnola. L’histoire de la Vierge qui est représentée à la Scuola del Carmine, ne comprend qu’une seule fresque de la main du maître : la Rencontre de Joachim et d’Anne sous la porte d’or. Titien transforme et renouvelle le genre ancien par la vivacité du coloris et par le