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vallées profondes, aux dentelures bleuâtres de l’Antelao, et, sur cette route si souvent parcourue, le naturaliste anglais Gilbert a pu retrouver les sites fixés dans ses magnifiques dessins et transportés plus tard sur la toile.

Aussi Titien n’est-il jamais plus charmant que lorsqu’il place ses personnages dans un décor de nature. Un tableau de la National Gallery nous montre ce parfait accord des figures avec le fond harmonieux et doux qui les encadre, et tout ce que la beauté du ciel et des feuillages peut ajouter de charme à l’idylle chrétienne.

La Vierge, assise sur un tertre de gazon, reçoit des mains du petit saint Jean une brassée de fleurs, sans quitter des yeux l’enfant rieur, couché sur ses genoux et que sainte Catherine, en élégant costume de patricienne, embrasse et caresse. La ligne sombre d’une forêt s’abaisse et va rejoindre à droite des croupes lointaines qui barrent l’horizon ; des prairies s’étendent sous le ciel doux et fin, traversé de lueurs où passe le vol des anges : œuvre d’une grâce exquise, pleine d’apaisement et de silence.

Dürer avait passé l’année 1506 à Venise, et sa personnalité originale avait attiré l’attention de tous les artistes. Si d’une part il avait rendu un juste hommage au talent du vieux Bellini, d’autre part la profondeur de ses conceptions, la grandeur de son esprit, l’énergie et le fini de son exécution avaient fait une forte impression sur les Vénitiens. Titien ne put manquer de connaître et d’admirer le maître allemand, et peut-être faut-il voir un