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la mer, aux deux extrémités d’un sarcophage antique retenant l’eau d’une source qu’un petit amour trouble de la main, deux femmes sont assises ; celle de droite, s’appuyant d’une main à la margelle, de l’autre tient élevé dans l’air un brûle-parfum dont la fumée monte vers le ciel ; dans cette pose, elle développe la ligne fine de son corps harmonieux qu’une draperie rouge flottant sur l’épaule accompagne. Toute jeune, elle s’offre aux baisers de la lumière, et sa tête inclinée sur l’épaule droite, ses yeux songeurs, ses lèvres entr’ouvertes semblent interroger la vie et pressentir l’amour. Celle de gauche, magnifiquement vêtue de soies claires, beauté épanouie, calme et sûre d’elle-même, accoudée au rebord, a la main gauche posée sur un coffret ; on dirait qu’elle y garde un trésor et le secret même du bonheur. Si l’une pressent et aspire, celle-ci a résolu l’énigme ; son regard calme, sa beauté matronale et pure expriment une sérénité que rien ne saurait ternir. Qu’a voulu dire l’artiste ? opposer deux natures, deux moments de la vie, deux manières de la sentir, le rêve passionné ou la possession tranquille ? Ne cherchons pas trop loin le mot de l’énigme. Comme l’a dit M. Lafenestre, c’est le songe d’un beau soir d’été. Ces deux figures si délicatement contrastées, sont comme la mélodie qui s’exhale de ce pays harmonieux et la fleur de l’universelle nature. À cette date, Titien est en pleine possession du métier : le modelé de la forme a toute sa délicatesse ; les tons légers et fins, une exquise transparence. Avant