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TITIEN

tendre et profond amour de la beauté. La sensualité paisible qui respire dans son œuvre est un fruit de la Renaissance et, plus spécialement, l’expression du génie affable de Venise. Son paganisme est la floraison spontanée d’une nature saine qui ne mêle ni remords ni curiosité vicieuse à la volupté. Aussi rejoint-il sans effort les poètes et les artistes de l’antiquité. La sève de la vie universelle anime ses beaux corps ingénus et parés de lumière.

Portraits, mythologies, tableaux religieux, Titien fut un maître dans tous les genres. Il traite parallèlement les thèmes païens ou chrétiens, les scènes douloureuses ou triomphales. Il les revêt de son langage éclatant et sobre et fait jaillir l’émotion des inflexions savantes de la forme et du charme musical de la couleur. Mais il se complaît surtout aux motifs de tendresse familière, aux maternités souriantes et ravies, aux grâces naïves de l’enfance, à l’idylle et à l’élégie plus qu’au drame. Il encadre de saints majestueux et débonnaires la beauté rêveuse de la Madone, et l’ingénuité de l’enfant divin. La grâce, une grâce ample et chaleureuse qui se fait sentir dans la cadence heureuse des lignes et dans le rythme des tons, est la marque de son génie. D’autres ont exprimé plus fortement les profondeurs de la vie morale ou de la pensée, ont eu des effusions plus entraînantes ou des inquiétudes plus hautes, ont scruté plus curieusement le secret des êtres et des choses ; nul, depuis les Grecs, n’a réalisé plus de beauté visible, ni offert à nos yeux une plus pure délectation.