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Alessandro. Il ne nous reste de ces toiles que le portrait du Pape Paul III, qui est au musée de Naples ; celui de Pier-Luigi qui est au château royal de la même ville, et l’esquisse peinte de Paul III, que l’artiste avait gardée pour lui, selon son habitude et qui, à la vente de l’atelier de Titien, est passée au musée de l’Ermitage. Celle-ci est peut-être la plus intéressante ; on y surprend le premier travail du peintre ; la nature y est rendue sans ménagement et sans retouches. C’est une figure presque effrayante que celle du vieillard au teint de brique, aux yeux embusqués sous de gros sourcils, au nez long et pendant, barbe et moustache blanche retroussée sur l’étrange rictus des lèvres. Le portrait du cardinal Alessandro est avec le portrait achevé du Pape, au musée de Naples.

Dans cette même année 1543, Titien terminait pour le seigneur Giovanni d’Anna, Flamand établi à Venise, une toile conçue dans le même style que la Vierge au Temple, le grand Ecce Homo du musée de Vienne. Une foule bariolée, hommes du peuple, soldats romains, batteurs d’estrade, pharisiens fanatiques, docteurs de la loi adipeux et sournois, un Musulman à cheval, un capitaine en armure, et même une jeune fille en blanc, naïve et charmante qui passe comme une apparition lumineuse dans cette brutale explosion de haines, accueillent de leurs clameurs furieuses, ou de leur indifférence cruelle le Christ présenté du haut de l’escalier du palais par un Pilate corpulent en qui l’on reconnaît l’Arétin. L’œuvre est brillante, pompeuse, un peu lourde cependant en