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introduction à l’histoire

Qu’on y prenne garde : à céder à ce penchant, nous irions tout droit à un raidissement de l’esprit qui le rendrait impropre aux tâches que la vie lui réserve. Une discipline sensible aux nuances n’est pas par définition étrangère à la science : nous y reviendrons longuement en analysant la méthode même de l’histoire. On verra, nous l’espérons, que, n’en déplaise à certains de nos contemporains, elle présente une rigueur toute scientifique, quoique, à la vérité, très différente de la rigueur formelle des mathématiques.

Et cette diversité même nous paraît un bien, car l’expérience prouve qu’à trop s’exercer dans l’abstrait, notre raison perd quelque chose de ses vertus. Si elle ne nous apprenait qu’à raisonner dans le concret et à faire intervenir dans nos calculs le facteur humain, l’histoire serait déjà amplement justifiée.

À tous ces bienfaits, elle en ajoute un dernier : celui de nous habituer à la variété des types humains. Nous n’avons que trop tendance à tout ramener à nous-mêmes, à nous persuader que notre genre de vie et notre mentalité sont des modèles dont nul ne peut s’écarter sans être dans son tort. Une grande part des malentendus qui surgissent entre les hommes ont leur source dans cette incompréhension mutuelle, qui trop souvent dégénère en intolérance.

Contre de tels penchants, l’histoire est sans doute le meilleur antidote. Nulle discipline ne peut mieux qu’elle ancrer dans nos esprits le sentiment des différences inévitables qui séparent les uns des autres les peuples et les individus au gré des siècles et des conditions d’existence.