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SA VIE ET SES AVENTURES.

ce « chevalier errant », né plusieurs siècles trop tard, qui, « dès qu’on tirait le canon quelque part, accourait au bruit », qui, après avoir fait le tour du monde, se battit, au service de l’Espagne, contre les Anglais et, au service de la Russie, contre les Turcs, et qui, malgré tous ses exploits, eut « plus de célébrité que de considération » (Souvenirs du duc de Lévis), était vraiment homme à séduire l’auteur de Figaro. Celui-ci lui ouvrit donc largement sa caisse. Le « paladin » et le « casse-cou politique » étaient faits pour s’entendre.

Ce fut à un dîner, chez le prince de Nassau, en 1781, que Beaumarchais entendit parler pour la première fois de Mme Kornman. On lui conta l’histoire de cette jeune femme. Mariée depuis l’âge de quinze ans, à un banquier alsacien à qui elle avait apporté une grosse dot, elle était devenue la maîtresse du syndic royal adjoint de la ville de Strasbourg, Daudet de Jossan, petit-fils d’Adrienne Lecouvreur et du maréchal de Saxe. Kornman avait trouvé que cette liaison n’était pas inutile à ses propres affaires, car Daudet de Jossan était l’ami du ministre de la guerre, Montbarey. Ayant tout su, il avait donc tout toléré, pour ne pas dire davantage, jusqu’au jour où, Montbarey ayant perdu sa place, sa jalousie s’était soudain éveillée. Pour la calmer, Mme Kornman n’aurait eu, à la vérité, qu’à sacrifier sa dot, car les affaires du banquier étaient embarrassées.