Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
59
SA VIE ET SES AVENTURES.

Maurepas qu’il serait honteux de laisser cet honneur à des étrangers et se déclara prêt à tenter l’entreprise si le ministre pouvait lui assurer la protection du roi. Maurepas consentit et Beaumarchais se mit à l’œuvre.

Il acheta à Panckoucke les manuscrits de Voltaire, acquit en Angleterre des caractères d’imprimerie, installa trois papeteries dans les Vosges et loua au margrave de Bade la vieille citadelle de Kehl pour y établir ses ateliers de typographie. Car il était impossible d’éditer les œuvres de Voltaire en France : elles y étaient interdites. Et c’est bien là un des plus étranges paradoxes de cette époque extraordinaire que cette édition, exécutée sous la protection des ministres de Louis XVI, et dont les volumes prohibés vont être régulièrement introduits en France par le directeur général des postes ! Telle était d’ailleurs la destinée des livres de Voltaire : sous le règne précédent, Marin, censeur royal et commissionnaire de Ferney, se chargeait lui-même de recevoir et distribuer les ouvrages de son« cher ami », tandis qu’on envoyait les colporteurs aux galères.

Malgré l’appui de Maurepas, et, après la mort de celui-ci, malgré le bon vouloir de Calonne, Beaumarchais éprouva de terribles difficultés. Le margrave de Bade lui demandait de supprimer certains écrits de Voltaire : l’éditeur repoussait cette pré-