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SA VIE ET SES AVENTURES.

mages-intérêts, une foule immense assourdit de ses cris et étouffa de ses embrassements l’heureux plaideur. On alluma des feux de joie, on donna des sérénades, on fit des chansons en patois et les « gens instruits » disaient sous les fenêtres de Beaumarchais :

Montrez Héraclius au peuple qui l’attend.

Autre affaire à Paris, celle-là sans péril pour son honneur ou sa fortune, mais dans laquelle il dut déployer une singulière énergie : ce fut l’affaire des comédiens. Les juges de cette querelle n’étaient plus des magistrats, mais les gentilshommes de la chambre du roi. Or la comédie était puissante, les comédiens étaient retors, les comédiennes étaient aimables, et les gentilshommes de la chambre du roi étaient des hommes. Comment Beaumarchais put-il faire triompher le droit et le bon sens ?

La situation des auteurs dramatiques était, en ce temps-là, très précaire : ils étaient à la merci des comédiens. En principe, l’auteur devait toucher le neuvième de la recette encaissée par le théâtre. Mais, par toutes sortes de subterfuges, on réduisait sa part : on ne comprenait dans la recette ni les abonnements, ni les loges ; on en déduisait les frais journaliers et le droit des pauvres ; et encore dans le calcul fixait-on cette dernière redevance à un chiffre trois fois plus élevé que celui payé en réalité