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SA VIE ET SES AVENTURES.

Beaumarchais imagina un stratagème de comédie : son navire partirait malgré la défense du roi ; le congrès, prévenu secrètement, enverrait deux corsaires qui s’empareraient du Fier Rodrigue à la hauteur de Saint-Domingue ; le capitaine protesterait ; mais, comme nul ne peut s’opposer à la violence, la cargaison serait débarquée en Amérique et l’Angleterre n’aurait rien à dire.

Il fut inutile de recourir à cette ruse ingénieuse. Le 13 mars 1778, la France signifiait à l’Angleterre la reconnaissance de l’indépendance des États-Unis. Quelques mois après, le Fier Rodrigue partait de Bordeaux, armé en guerre, muni de soixante canons et commandé par un officier de la marine royale. À la hauteur de la Grenade il rencontra la flotte du roi, commandée par l’amiral d’Estaing : ce dernier, qui était sur le point de livrer combat à l’amiral Biron, assigna au Fier Rodrigue un poste de bataille. Les Anglais furent repoussés. Mais le vaisseau de Beaumarchais avait eu son commandant tué et sa coque criblée de boulets.

Très fier des services rendus par « sa marine », Beaumarchais se vengea de Biron en le chansonnant et continua la lutte avec ses vaisseaux, et aussi avec sa plume. Le cabinet de Londres venait d’adresser à l’Europe un Mémoire justificatif, rédigé par Gibbon, où il dénonçait les déloyautés de la France et où il visait clairement les intrigues politico-commer-