Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
47
SA VIE ET SES AVENTURES.

la famille de Guerchy, et à porter désormais des habits de femme. Pourquoi cette dernière clause ? Quel intérêt le gouvernement français pouvait-il bien avoir à cette mascarade ? On a là-dessus terriblement écrit. C’est une des questions les plus discutées et, avouons-le, les moins intéressantes de l’histoire du xviiie siècle. Vergennes, qui conduisait l’affaire, crut-il que d’Éon était une femme ? Beaumarchais lui-même fut-il dupe ? Donna-t-il sérieusement dans les manèges amoureux de cet ex-dragon, costumé en demoiselle, « malgré ses cinquante ans, ses jure-dieu, son brûle-gueule et sa perruque » ? Le problème n’est pas résolu. Pour les uns, Figaro fut affreusement mystifié : cela serait assez comique. Pour d’autres, ce fut lui le mystificateur ; il savait à quoi s’en tenir ; mais, comme à Londres, des paris étaient ouverts sur le sexe du chevalier, il avait parié que d’Éon était une femme ; en ayant l’air d’être dupe, il jouait donc simplement son jeu : cela serait moins comique, mais plus vraisemblable.

Cette aventure avec d’Éon ne fut du reste qu’un épisode de son séjour à Londres. Dès ce moment, il était tout aux affaires d’Amérique.

On a dit avec raison que de toutes les entreprises de Beaumarchais, celle-là fut la seule « où il mit plus de cœur que d’esprit ». Il y fut soutenu et poussé par deux ministres : le vieux Maurepas qu’il