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SA VIE ET SES AVENTURES.

appartements, il serait heureux d’égayer la fête par quelque propos original. Beaumarchais, qui n’était jamais à court, conseilla au duc de « jeter, tout au travers de la gaieté royale, quelque grande moralité », telle que celle-ci : « Pendant que nous rions ici, n’avez-vous jamais rêvé, Sire, qu’en vertu de l’auguste droit que vous a transmis la couronne, Votre Majesté doit plus de livres de vingt sols qu’il ne s’est écoulé de minutes depuis la mort de Jésus-Christ dont nous tenons l’anniversaire ? » Le soir venu, en plein souper, le duc proféra la « grande moralité ». Elle fut froidement accueillie. Pour se disculper, le courtisan avoua qui en était l’auteur. Alors « le roi leva le siège sans parler ». Et, au milieu des épreuves qui bientôt l’assaillirent, Beaumarchais dut plus d’une fois méditer sur le péril de fournir d’esprit et de philosophie les vieux courtisans désireux d’égayer les petits soupers du Vendredi saint.

Paris-Duverney mourut le 17 juillet 1770, laissant sa fortune à son petit-neveu, le comte de la Blache. Trois mois auparavant, il avait réglé tous ses comptes avec Beaumarchais. Dans l’acte sous seing privé qui contenait cette liquidation, Duverney le déclarait quitte de toutes dettes et reconnaissait lui devoir 15 000 livres payables à volonté.

Le comte de la Blache détestait le protégé de son oncle. « Je hais cet homme, disait-il, comme on