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SES MÉMOIRES ET SON THÉÂTRE.

de certaines scènes de Tarare où il a indiqué l’accent, le mouvement et le rythme qui devaient convenir à chaque vers.

Oui, « un peu musicien », mais pas du tout poète ! Et c’est là ce qui rend si lugubre l’opéra de Tarare. L’intrigue en est simple, rapide et assez bien conduite, en dépit de quelques invraisemblances puériles et de quelques facéties saugrenues. Il y a des traits assez heureux de barbarie et de sensualité dans le rôle du roi d’Ormus, le despote Atar. Mais l’intérêt est glacé par les allégories métaphysiques du prologue et par les allusions philosophiques ou politiques dont chaque scène est émaillée. Le pire, c’est la versification : elle est pitoyable. Beaumarchais était un chansonnier passable. Son lyrisme est désastreux. Il existe beaucoup de livrets d’opéra moins plats que celui de Tarare : c’est tout dire.

De Tarare, ce qui a survécu, c’est la partition de Salieri. Le triste poème de Beaumarchais ne peut empêcher que nous ne goûtions encore certaines beautés purement musicales : car le plus illustre des disciples de Gluck, l’admirable compositeur des Danaïdes, se retrouve tout entier dans quelques pages de Tarare.

Vanité des esthétiques ! Beaumarchais veut que le musicien soit toujours dominé par le poète, et il écrase la musique de Salieri sous le plus assommant des poèmes. Mozart soutient que, dans un opéra,