Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
173
SES MÉMOIRES ET SON THÉÂTRE.

gnol, et les représentations qu’il avait vues à Madrid ne paraissaient pas l’avoir vivement frappé : les tonadillas ou saynetes, intermèdes de musique « dont les Espagnols coupent les actes ennuyeux de leurs drames insipides », étaient tout ce qu’il en avait retenu. Quant à la comédie italienne, à Paris même il en avait les modèles sous les yeux : mais les brèves arlequinades de la foire n’avaient pu lui apprendre à machiner une action aussi longue et aussi variée que celle de la Folle journée. Il n’eut, à la vérité, qu’un maître : lui-même ; il n’écouta qu’une inspiration, celle de sa fantaisie et de ses goûts. Toute sa vie n’est qu’un tissu d’intrigues. Il conduit ses pièces comme ses affaires.

Un type, une satire sociale et un imbroglio, voilà donc les trois éléments de l’œuvre de Beaumarchais. Il a fondu la comédie d’intrigue avec la comédie de mœurs et la comédie de caractère. Il a, pour intéresser le public, réuni et combiné des ressources dramatiques avant lui disséminées ; il en a formé comme un faisceau. Il a prétendu instruire et divertir, amuser la sensualité et prêcher la morale. Il a été, tour à tour, spirituel, bouffon, incisif, et a excité tous les rires par tous les moyens.

Il a poussé encore plus loin : il a voulu mêler les genres, faire rire, en plein drame, faire pleurer en pleine comédie. Il y a, du reste, échoué : les scènes comiques de ses drames sont glaciales, et, dans la