Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/156

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
150
BEAUMARCHAIS.

plaisirs, des craintes et des espérances est le vent frais qui met le navire en branle et le fait avancer gaîment dans sa route. » — « Toutes les affaires ont deux faces, comme tous les agioteurs ont deux mains. » — « Marin n’a jamais été pour moi qu’un pont volant jeté légèrement sur le ravin pour atteindre l’ennemi à la rive opposée. » Il possédait l’élan oratoire, une sorte d’allégresse presque lyrique, et souvent ses périodes ont du nombre et de l’ampleur. Enfin il aimait les vieux tours et les vieilles locutions ; il prenait à Régnier ses façons de parler franches et vigoureuses ; il connaissait bien Rabelais, dérobait à propos son vocabulaire et tenait de lui le secret de ces accumulations de mots consonnants qui blasonnent un personnage d’une manière si comique. On a dit parfois que les romantiques furent les premiers à chercher dans la pratique des écrivains du xvie siècle un moyen de revivifier la langue classique épuisée, desséchée. Mais, à ce point de vue, ils avaient eu des précurseurs dans la seconde moitié du xviiie siècle. Reaumarchais fut de ceux-là.

Malheureusement, dans ses écrits comme dans sa vie, il manquait de goût et de discernement ; sa nature primesautière était dénuée de sens critique. Il le savait bien. Les lectures qu’il faisait de ses drames et de ses comédies, avaient pour principal objet de surexciter la curiosité publique ; mais il en profi-