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BEAUMARCHAIS.

cacité des couplets ; ceux de 1897 n’ont plus de ces illusions ; seulement les chansons continuent de les divertir.

Ce qui fait, par-dessus tout, l’éternel à-propos de la comédie de Beaumarchais, c’est qu’elle demeure la plus ardente comme la plus vaine des protestations contre l’inégalité des conditions. Tant qu’il y aura des grands et des petits, des riches et des pauvres, des hommes d’esprit dans la bohème et des médiocres au pouvoir, Figaro gardera son prestige. Il n’est donc pas près de le perdre.

Des rêveurs avaient pu croire qu’en abolissant le préjugé de la naissance, ils fondaient l’égalité. Le préjugé de l’argent a eu vite fait de créer des inégalités nouvelles, et la plainte de Figaro est toujours opportune. Si quelque auteur dramatique avait su exprimer les jalousies, les colères et les indignations qu’a déchaînées la tyrannie de l’argent, peut-être aujourd’hui la diatribe de Beaumarchais nous semblerait-elle démodée. Mais peu d’écrivains ont tenté de le faire, aucun n’y a réussi. L’entreprise passait-elle les forces de ceux qui l’ont essayée ? ou bien serait-ce une loi du théâtre, qu’on ne peut attaquer sur la scène que des abus ou des préjugés à demi condamnés déjà par les mœurs ? Quoi qu’il en soit, l’unique personnage du théâtre français qui reste l’interprète des humiliés, c’est Figaro — interprète peu recommandable, nous l’avons montré