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BEAUMARCHAIS.

le monde connaît les interminables démêlés de l’auteur avec les censeurs. À la première du Mariage de Figaro, tout le monde sait que la pièce est depuis quatre ans interdite et que le roi ne l’a autorisée qu’à son corps défendant. La seule représentation est déjà un triomphe, dont Beaumarchais n’a pas tout l’honneur. La foule a conscience qu’elle-même a plus fait pour l’issue de la bataille que l’auteur avec toutes ses démarches, ses ruses et ses intrigues. Et cette bataille c’est, selon le mot de Monsieur, frère du roi, « contre le gouvernement » qu’elle a été engagée et gagnée. Le parterre, en applaudissant la Folle journée, célèbre sa propre victoire. C’est l’avènement d’un pouvoir nouveau qui a peu à peu grandi dans l’État depuis la mort de Louis XIV. C’est vraiment le sacre de l’opinion publique.

Gaîté de l’intrigue et scandale du succès, tout séduit, tout amuse les spectateurs et ils ont vite fait de tirer de la comédie de Beaumarchais la conclusion que l’auteur a seulement entrevue. Ils vont droit au fond même du sujet : l’antithèse de Figaro et d’Almaviva. Beaumarchais a beau protester qu’on se méprend sur son intention et qu’Almaviva « se voit toujours humilié sans être jamais avili », on ne l’écoute pas. Il n’y a pour personne ni doute ni hésitation : une satire de la noblesse de naissance, voilà l’essentiel du Mariage de Figaro. C’est ainsi que les bourgeois le comprennent : Figaro vient à point pour