Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
136
BEAUMARCHAIS.

l’écrivain. Mais, à coup sûr, le Mariage ne fut pas l’ouvrage d’un révolutionnaire.

Et pourtant, Beaumarchais est, bel et bien, un précurseur de la Révolution française ! C’est que l’auteur propose et que le public dispose. Véritable collaborateur, par ses applaudissements et ses rires, le parterre donne aux satires de théâtre un sens et une portée auxquels le satirique n’avait pas toujours pensé. Le succès du Barbier avait été grand. Celui de la Folle journée fut prodigieux. Tâchons d’en démêler les causes et pénétrons le sentiment de la foule qui acclamait Figaro.

La philosophie avait depuis longtemps déjà envahi la scène. En 1763 on avait joué une tragédie de Manco-Capac où le principal rôle était celui d’un sauvage « qui, selon Bachaumont, débite en vers tout ce que nous avons lu épars dans l’Émile et le Contrat social sur les rois, sur la liberté, sur les droits de l’homme, sur l’inégalité des conditions ». À Paris, et même à Versailles, où la pièce fut représentée devant la cour, on applaudissait avec fureur le sauvage-philosophe. Et ces maximes ne se rencontraient pas seulement dans les tragédies ; les parades, les comédies, les opéras, les opéras-comiques en étaient encombrés. Cette philosophie de théâtre était apprêtée, ennuyeuse, glaciale. Mais, malgré tout, elle forçait les bravos du public et flattait la plus chère de ses manies.