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Figaro.

de le mépriser. Elle est favorable à Figaro. Et c’est ainsi qu’il est devenu une sorte de personnage symbolique.

Après la Révolution les mœurs nouvelles n’étaient pas faites pour rendre moins populaire le type créé par Beaumarchais. Délivré de la tyrannie des puissants, libre de toutes les entraves sociales qui le retenaient, Figaro s’est rapidement poussé dans le monde. On l’a bientôt vu occuper tous les emplois, tous les postes, toutes les fonctions. Il a en route perdu sa lancette, sa guitare et parfois aussi son esprit ; mais il n’a gagné ni délicatesse ni scrupules. Il s’est vite enrichi, ayant acheté le domaine d’Aguas Friscas, devenu bien national. Et depuis ! quelle fortune ! Il a fondé des sociétés, lancé des émissions, machiné des krachs. Sa grande œuvre, c’est le journalisme. On ne lui objecte plus maintenant que « l’amour des lettres est incompatible avec l’esprit des affaires ». Un journal a quatre pages ; du titre à la signature du gérant, il y a place pour tout : un barbier intelligent et avisé peut y injurier les ministres, tutoyer le Grand-Turc, raisonner sur l’esthétique et célébrer aussi les mérites de ses pâtes et de ses rasoirs. Les lettres et les affaires font excellent ménage. Figaro est dans son élément. C’est lui qui invente toutes les combinaisons de la réclame et toutes les roueries de la publicité, ce qui ne l’empêche pas de censurer les mœurs, de répriman-