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BEAUMARCHAIS.

pourtant, les innombrables diseurs de bons mots qui entretiennent la gaîté de la nation, journalistes, vaudevillistes, camelots, placiers, loustics d’atelier ou de chambrée : et dites si Figaro n’est pas leur patron.

Ce bon compagnon est fertile en expédients ; il a le goût de l’intrigue, la passion des ruses ingénieuses. Cela, non plus, n’est pas pour nous déplaire. Nous avons une sorte d’admiration pour les faiseurs de « bons tours ». Tout de suite nous leur découvrons cette excuse qu’il vaut mieux duper que d’être dupe : notre sentiment sur eux n’a pas changé depuis le Roman du Renart. Nous détestons le mensonge et l’hypocrisie, mais les fourberies d’un intrigant trouvent en nous des juges trop indulgents. Nous n’en voulons pas à Figaro des moyens qu’il emploie pour enlever Rosine ou défendre Suzanne. Il n’est pas méchant, donc il n’est pas malhonnête : c’est par un tel raisonnement que le public absout volontiers les personnages de théâtre et même les autres. Mauvaise tête et bon cœur, voilà le héros de tous les vaudevilles. Pas de bon mélodrame sans un chenapan cordial. Les historiens ont toujours un sourire en prononçant le nom de Talleyrand. Les badauds ne peuvent se défendre d’une certaine sympathie pour les « aimables canailles ». C’est la morale du cœur ; grâce à elle, nous pouvons admirer un homme sans cesser