Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
Figaro.

Beaumarchais et Figaro (c’est tout un) sont singulièrement représentatifs.

Figaro a quelques-unes des qualités dont un Français tire vanité le plus volontiers, et il a quelques-uns des défauts qu’un Français se pardonne avec le plus de complaisance. Ajoutons tout de suite, pour être justes, qu’il est dénué de certaines vertus dont un Français peut s’enorgueillir.

Il a d’abord la gaîté, l’imperturbable gaîté, que ne lasse aucun revers, que ne rebute aucune infortune, cet optimisme gaulois qui fait l’étonnement et l’envie du monde. S’il s’empresse de rire, c’est, affirme-t-il, pour ne pas être obligé de pleurer. Il le dit : croyons-le. Mais ses larmes, lorsque par hasard il les laisse couler, sont vite séchées. Sa belle humeur est toujours la plus forte ; elle jaillit de source. Voilà un mélange de courage et de légèreté, qui est le fond même du tempérament français. Puis Figaro a de l’esprit, infiniment d’esprit. Toute idée prend chez lui la forme d’une raillerie. « Il n’est bon bec que de Paris », disait Villon : Figaro est trois et quatre fois Parisien. Or cette sorte de gouaillerie est la forme la plus caractéristique de la plaisanterie française. Il y a du Figaro dans Gavroche, il y en a dans Gaudissart, il y en a dans tous ces bohèmes joyeux et « débrouillards » qui peuplent nos comédies et nos romans. La « blague », c’est encore cet esprit-là, un peu dégénéré. Écoutez,