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Figaro.

mieux nouer son intrigue, avertit tranquillement la comtesse qu’il l’a compromise, en faisant tenir au comte un billet anonyme, tandis qu’il prie Suzanne de se rendre sur la brune au jardin. Comme les deux femmes se récrient : « Écoutez donc, réplique-t-il, les gens qui ne veulent rien faire de rien, n’avancent rien et ne sont bons à rien. Voilà mon mot. » Et c’est vraiment le mot de Beaumarchais. Il a dû le répéter plus d’une fois aux ministres épouvantés de la hardiesse de ses fourberies.

Nous saisissons maintenant la grande originalité du type du Figaro : ce n’est point une création littéraire, comme Panurge, Tartufe, Turcaret, Gil Blas, Hulot, Homais et tant d’autres personnages fictifs que des écrivains ont composés à force d’observation et vivifiés à force d’art. C’est le portrait du peintre par lui-même. L’artiste pour se représenter a passé un habit de carnaval ; mais ce sont ses traits, c’est son regard et son sourire.

Comment un simple portrait a-t-il pu perdre son caractère individuel pour prendre une signification aussi large ? Certes, le talent de Beaumarchais n’y a pas été inutile ; cet écrivain avait la plus éminente des qualités d’un auteur comique : le don de la vie ; Almaviva, Bartholo, Suzanne, Rosine sont des personnages que Beaumarchais a rêvés et où il n’a rien mis de lui-même : ils vivent pourtant ; Basile et Bridoison sont d’admirables caricatures. Il ne