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Figaro.

siècle ne sont jamais à court de réflexions sur les inégalités sociales. Par là, ils sont les précurseurs de Figaro ; et l’on a relevé telle tirade du Trivelin de Marivaux dont Beaumarchais s’est probablement souvenu. Mais quel est donc le personnage du théâtre qui alors s’abstient de philosopher ? Cependant, de tous ces raisonneurs, le seul qui soit toujours vivant et toujours écouté, c’est Figaro.

Pourquoi ? c’est que, au fond, il n’a presque rien de commun avec le personnage du « valet de comédie ». Il en porte le masque traditionnel ; dans le Barbier, il en remplit encore l’office : il mène une intrigue galante au profit d’un grand seigneur. Mais cela n’en fait ni un Mascarille, ni un Crispin. Dira-t-on qu’il est Andalou parce qu’il est affublé d’un costume de majo, parce qu’il a les cheveux pris dans une résille et porte une guitare en bandoulière ? Rien de plus simple, rien de plus vulgaire que la figure du laquais fourbe, escroc et proxénète qui est le joyeux deus ex machina de toutes nos vieilles comédies ; rien de plus nouveau, rien de plus riche en complexités morales que le Figaro de Beaumarchais.

On lui a cherché d’autres ancêtres, hors du théâtre ; on a évoqué le souvenir de Panurge et celui de Gil Blas. Entre eux et Figaro il y a quelques affinités. Figaro est hâbleur, gouailleur et ergoteur comme Panurge ; mais il n’est ni lâche, ni