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BEAUMARCHAIS.

de ses Mémoires : « On dit aux foyers des théâtres qu’il n’est pas noble aux auteurs de plaider pour le vil intérêt, eux qui se piquent de prétendre à la gloire : on a raison, la gloire est attrayante ; mais on oublie que, pour en jouir seulement une année, la nature nous a condamnés à dîner trois cent soixante-cinq fois ; et si le guerrier, le magistrat ne rougissent pas de recueillir le noble salaire dû à leurs services, pourquoi l’amant des Muses, obligé de compter avec son boulanger, négligerait-il de compter avec les comédiens ? » Or Beaumarchais n’est pas obligé de compter avec son boulanger. Il n’est « l’amant des Muses » qu’entre deux affaires. Et que sont les recettes de ses comédies auprès des millions qui passent par les caisses de sa maison de commerce ?

Pareil désintéressement est rare dans la vie de Beaumarchais. Est-il besoin de rappeler son voyage en Espagne, ses missions en Angleterre, ses trafics avec l’Amérique et tant d’autres affaires où la pensée de faire fortune fut, bel et bien, la seule règle de sa conduite ?

Était-il donc de mauvaise foi quand il affirmait n’avoir jamais été inspiré que par l’intérêt public ? Assurément non. Mais il appartenait à la race de ces hommes qui ont pullulé depuis la Révolution et qu’on appelle des « hommes d’affaires ». Pour eux, il ne saurait y avoir de conflit entre l’intérêt public et l’intérêt privé ; car, sincèrement, ils jugent que