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ALEXANDRE DE RIVIÈRE

Passe l’anglaise mer, faisant le nord-ouest,
Et, venu en Irlande où d’enfer la gueule est,
Vers le terrible lac et puits de saint Patrice,
Il devale dedans l’infernal précipice ;
Et moy me promenant ores parmy les prez,
Ores le long d’un bois, or’ des ruisseaux vitrez
De la Seiche fertile et limpides fontaisnes,
Quand le Lyon ardant nous a chassez de Rennes,
Mon semestre loisir[1] de jour, soir et matin,
Je trompe avec Marcel et le chœur Palestin…

Le bon magistrat nous laisse, en ce passage malheureusement unique, entrevoir un coin de sa physionomie ; à la campagne, dans ses livres, il se repose du Palais et de son labeur monotone ; il est si bien chez lui dans ce paysage des environs de Rennes, que nous avons le droit de le naturaliser Breton.

Le début du dixième chant est assez vif ; un dialogue s’engage entre le poète et Mercure, qui revient des enfers — encombrés, dit-il, « de Turcs, de Juifs et de Chrétiens, » — et retourne à son poste céleste ; le poète, resté seul, prie sa Muse de lui dicter quelque carme non vain ; il recommence à parler de la sagesse, et des difficultés que rencontre la pratique de la vertu.

Las ! que pleure souvent la vertu rapiecée !
Qu’on en fait peu d’état si d’or n’est enchâssée !

  1. L’édit de juillet 1600 avait partagé le service de la Cour en deux semestres (de février à août — d’août à février). Rivière avait donc bien six mois de vacances, le semestre loisir n’est pas une figure de rhétorique.