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ANNE DE ROHAN


Regrettons, soupirons cette sage prudence,
Cette extrême bonté, cette rare vaillance,
Ce cœur qui se pouvait fléchir et non dompter,
Vertus de qui la perte est à nous tant amère,
Et que je puis plutôt admirer que chanter,
Puisqu’à ce grand Achille il faudrait un Homère.

Mais parmi ces vertus par mes vers publiées,
Laissons-nous sa clémence au rang des oubliées,
Qui seulement avait le pardon pour objet ;
Pardon qui rarement au cœur des rois se treuve,
En parle l’ennemi, non le loyal sujet,
En face le récit qui en a fait l’épreuve.

Pourrait-on bien compter le nombre de ses gloires ?
Pourrait-on bien nombrer ses insignes victoires ?
Non, d’un si grand discours le destin est trop haut.
On doit louer sans fin ce qu’on ne peut décrire ;
Il faut, humble, se taire ou parler comme il faut,
Et celui ne dit rien qui ne peut assez dire.

Ce Mars, dont les vertus furent jadis sans nombre
Et que nul n’égalait, est égal à une ombre ;
Le fort a ressenti d’Atropos les efforts,
Le vainqueur est gisant dessous la froide lame,
Et le fer infernal qui lui perça le corps
Fait qu’une âpre douleur nous perce à jamais l’âme.

Jadis pour ses hauts faits nous élevions nos têtes ;
L’ombre de ses lauriers nous gardait des tempêtes ;
La fin de ses combats finissait notre effroi.
Nous nous prisions tout seuls, nous méprisions les autres,
Étant plus glorieux d’être sujets du roi,
Que si les autres rois eussent été les nôtres.

Maintenant notre gloire est à jamais ternie,
Maintenant notre joie est à jamais finie,