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FRANÇOIS AUFFRAY


Cerbère à triple chef, Python, l’Hydre, Gorgone,
La Chimère, le Sphynx n’estoient si monstrueux,
Et les fables n’ont feint rien si défectueux
Que sont tous ces esprits dont l’Orque noir foisonne.

Arrière les brandons des folles Euménides,
Les travaux d’Ixion, Siziphe et son rocher ;
Non, non, vous ne sçauriez que de loing approcher
Des démons infernaux les cruautez avides.

La mort, les cris, les pleurs, la discorde, la rage,
Les sanglots, la fureur, le meurtre et le baffroy
Mettent à qui mieux mieux ce peuple en désarroy,
Et en font à tous coups un furieux carnage.

Icy corps mutilez, delà testes fendües,
Icy les ulcerez, delà les gangrenez,
Et partout mille morts font mourir les damnez,
Et revivre en la mort leurs ames esperdues.

Vous avez veu, mes yeux, ces perdus pleins de peste,
Pleins de chancres baveux, de vermine et de pus,
Pleins de roigne en leurs corps, pourris, tronquez, rompus,
Corps pleins de mille maux et d’accidens funestes.

Encor vous avez veu les crappaux, les vipères,
Les sours, les basilics, les aspics, les dragons,
Les couleuvreaux retors de mille lestrigons,
Au sein de ces perdus establir leurs repères…

Il court dans ces vers, que personne ne s’est avisé de remarquer, un souffle de vraie poésie, et ce n’est pas le sujet seul qui évoque le grand nom de Dante. On pourrait faire d’heureux emprunts aux quatrains qui terminent le volume ; si les anciens auteurs en